Le passage en force des OGM
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La façon dont s'est déroulé en France le débat sur les OGM, lors du Grenelle de l'Environnement, puis ces jours ci à l'occasion de la discussion du projet de loi, me semble poser de très sérieux problèmes de démocratie.
Je ne parle pas des basses invectives, des accusations malveillantes de sorcellerie, des indices de concussions, des consignes de vote impératives assorties de pressions, des fausses colères et des vraies abstentions, de la mise au pilori des députés contestataires, du mépris affiché vis à vis des citoyens ordinaires, ou de la qualification de « voyou » pour ceux qui osent résister, toutes choses qui certes ne contribuent pas à la dignité des débats...
Je ne parle pas non plus de l'idéologie rationaliste étroite qui veut qu'en toutes circonstances l'avis des scientifiques travaillant pour l'industrie ait plus de poids que l'avis des bénévoles compétents de la société civile, ce qui, soit dit en passant, ne contribuera pas au développement futur de la démocratie participative...
Non, je parle d'une question plus grave : celle de la légitimité du vote de la loi en cours d'examen qui, si elle est insuffisante comme je le pense, entraînera et justifiera toutes les actions de désobéissance civile qui ne manqueront pas de se produire en aval.
Nous avions déjà eu droit à l'extraordinaire coup de force que représente le vote par les deux assemblées réunies en congrès d'un traité européen qui avait été rejeté lors d'un référendum, vote totalement illégitime puisque contraire à une volonté du peuple souverain clairement exprimée.
Nos représentants élus n'en sont donc pas à leur première entorse démocratique. Mais cette fois-çi que constatons nous ?
- que des décisions sont prises en contradiction avec le principe de précaution, pourtant inscrit dans la Constitution, alors qu'à l'évidence des OGM relâchés dans l'environnement constituent un « risque de dommages graves et irréversibles »
- que des décisions sont prises à l'encontre de la volonté générale, alors que tous les sondages montrent qu'une majorité très large de français est opposée aux OGM
q- ue des décisions sont prises à l'encontre de l'avis des représentants compétents de la société civile, ong et autres, qui travaillent sur ces questions depuis des années et sont souvent mieux informés que les députés.
- que des décisions sont prises lors d'un vote à peine majoritaire, alors que de nombreux députés se sont abstenus pour ne pas aller contre les consignes de vote impératives de leur parti, et qu'à titre individuel ils étaient plutôt contre.
On est donc bien en droit de poser la question : ces décisions sont elles légitimes ? Car sans légitimité pas d'action publique, ou alors on n'est plus en démocratie... Ce qui fonde la légitimité d'une loi, du moins dans notre conception nationale, c'est sa conformité à l'intérêt général, le fait qu'elle exprime une volonté générale dépassant les intérêts particuliers. Mais en matière d'OGM est-on dans l'intérêt général ou dans l'intérêt particulier ? Même si les OGM sont souhaités par certaines catégories d'agriculteurs ou de scientifiques, et ils en ont le droit, ce ne sont là que des intérêts particuliers, en aucun cas l'intérêt général...
C'est à se demander si les députés se considérent encore comme investis d'une mission de promotion de l'intérêt général, ou s'il ne sont plus que des sortes d'arbitres maladroits entre des intérêts particuliers divergents, voire irréconciliables. Arbitres qui plus est assez partisans, puisqu'ils sont plus souvent du côté de l'économie et de l'industrie que du côté de l'environnement...
L'intérêt général, dans ce cas, cela aurait été la prise en compte réelle des dangers pour la santé publique ( s'en est-on sérieusement soucié au delà de déclarations de principe vides de contenu ? ), ou de la nécessité de préserver la biodiversité (quel cas en a t'on fait alors que l'on autorise la dissémination des OGM jusque dans les parcs nationaux et régionaux ?), ou de la nécessaire souveraineté alimentaire de la France (qu'en sera-t'il lorsque toutes les semences devront être achetées à des multinationales étrangères ? , ou tout simplement le respect du droit des générations futures à vivre dans un environnement sain et préservé (kezako ?).
Toutes ces questions essentielles ont été négligées dans ce vote, motivé essentiellement par une idéologie rationaliste débile, des intérêts économiques à très court terme, et l'obéissance servile aux injonctions de la commission européenne. Et que l'on ne vienne pas nous dire, pour nous attendrir, que les OGM vont permettre d'épandre moins de pesticides ( c'est tout le contraire !) ou de nourrir les affamés : on ne meurt pas de faim en France, du moins pas pour le moment ...
Alors, si cette loi scélérate devait être adoptée, je me prends à rêver à l'organisation d'actions de résistance dans nos campagnes, menées par nos élus locaux déclarant par milliers leurs territoires libres d'OGM, et rejoignant ainsi un vaste mouvement international qui de Moscou à Salzbourg, et de l'Algarve à la Toscane regroupe déjà de très nombreuses zones et communes... Ce ne serait peut être pas légal, mais comme ce serait légitime !
J.L.Gueydon de Dives
14 avril 2008